Nardos et autre histoires mexicaines
Comme vous le savez (ou pas), je viens de passer plusieurs mois au Mexique. En janvier, on trouvait des nardos à tous les coins de rue.
Les nardos, comme le nom ne l'indique pas, sont des fleurs. Blanches, très odorantes, à l'odeur capiteuse et enivrante. Polianthes tuberosa. Tubéreuse.
Le Mexique est entre autres choses le pays d'origine de la tubéreuse. Cette fleur y est cultivée depuis l'époque des Aztèques, notamment à Xochimilco. On en trouve de très beaux bouquets vendus à 50 pesos (~2,5 euros) la douzaine. Quelques fleurs suffisent à parfumer durablement un appartement. L'odeur est très différente selon le moment de la journée: jasminée, crémeuse, un peu médicinale, capiteuse. Un enchantement!!! Une femme fatale, on sent la séduction et quelque chose d'inattendu, de presque monstrueux.
Je discutais il y a quelques temps de l'apparence de certaines stars américaines.Je notais qu'un maquillage systématique avait tendance à les faire toutes se ressembler. Ceci est un avantage pour les femmes laides, cela les rapproche de canons de beauté. Pour des femmes véritablement belles, cela les affadit: la beauté est dans une certaine perversion des idéaux. Il y a souvent chez les gens que je trouve beaux un déséquilibre notable de proportions. Quelque chose d'imprévu et d'inimaginable. Comme si la beauté consistait en une harmonie attachée à une disproportion de certains caractères.
En ce sens, l'odeur de la tubéreuse est belle. Enivrante aussi, puissante, dangereuse. Mon absolue diluée achetée chez Fragrance achat rend beaucoup des caractéristiques de la tubéreuse sans sentir exactement la tubéreuse. Il sent l'absolue de tubéreuse. La tubéreuse elle change beaucoup; il y a donc nécessairement plusieurs odeurs fidèles de tubéreuse. A la quête de l'une d'entre elle, je me suis lancée dans l'aventure d'un enfleurage.
Pourquoi? Cette technique douce me semble respecter le parfum des fleurs et j'ai beaucoup lu sur l'incomparable parfum des pommades d'antan ainsi que des extraits produits par enfleurage. J'ajoute à cela que s'il est possible d'acheter des enfleurages en France (par exemple chez Sharini, je crois que son fournisseur est le même que celui d'Enfleurage), leur coût est extrêmement élevé.
Mes sources
Un article américain sur les différents modes d'extraction
Modes d'obtention des huiles essentielles
Le procédé
J'ai acheté toutes les semaines un bouquet d'une demi douzaine de tubéreuse. Chaque tige porte une vingtaine de fleurs qui vont éclore petit à petit.
J'ai choisi d'utiliser comme corps gras une graisse végétale hydrogénée quasiment inodore que j'ai achetée a supermarché (Walmart). Le coût est modique et l'utilisation me semblait plus simple que celle du saindoux dont je craignais l'oxydation.
L'enfleurage a été réalisé dans un petit tupperware.
Etape 1:
Couvrir les parois du tupperware d'une couche de graisse: entre 5 mm et 8mm.
Etape 2:
A l'aide d'une fourchette ou d'un couteau, tracer des sillons à la surface du corps gras. Ceci permet d'augmenter la surface en contact avec l'air ambiant.
Etape 3:
Disposer une couche de gaze par dessus la graisse. Cette étape évite que les fleurs n'emportent trop de corps gras quand on les enlève. J'ai essayé sans et j'ai trouvé que l'on perdait trop de matière grasse collée aux pétales.
Etape 4:
Effeuiller les pétales de tubéreuse et tapisser les parois du tupperware avec les pétales et la partie centrale (odorante) de la fleur.
Etape 5:
Refermer le tupperware et laisser infuser trois jours en enlevant les fleurs qui semblent abîmées. La durée de trois jours recommandée par mes sources s'explique par ce que les fleurs de tubéreuse (comme celles de jasmin) continuent à produire du parfum même séparées des tiges. Les fleurs peuvent contenir beaucoup plus de substances odorantes quelques jours après la ceuillette que sur la plante.
Etape 6:
Récupérer les fleurs utilisées et en faire une teinture. Je garde un volume fixe d'alcool auquel je rajoute à chaque cycle les fleurs de l'enfleurage. Il faut suffisamment d'alcool pour couvrir les fleurs. La première macération se fait au nez, les suivantes durent autant de temps que la première (idéalement pas plus de trois jours pour pouvoir renouveler les fleurs régulièrement.J'ai réalisé plusieurs macérations durant environ un jour chacune.
Etape 7:
Recommencer les étapes 4,5&6 autant de fois que possible. J'ai lu que les fleurs pouvaient être changées jusqu'à trente fois de suite!!!
Le résultat:
Au bout de trois jours, la graisse est déjà très odorante. Suffisamment pour parfumer les mains pendant quelques heures. Au bout d'un moins, l'odeur est merveilleuse. Je pense en laver une partie à l'alcool.
L'alcool a pris une odeur moins que fidèle. Je ne suis pas sûre de ce que je pourrais en faire.