Le vétiver
Le vétiver.
Deuxième épisode de ma série sur les odeurs. Le citron puis le vétiver. J’ai grandi avec le vétiver. Vetiveria nigritana, pas le vetiveria zizanoides d’Haïti, de Madagascar ou d’ailleurs dont on tire l’huile essentielle.
Mon vétiver, le familier, ne sort pas d’une bouteille mais d’un fagot. Cinq, six racines sont regroupées. On les ficelle ensuite avec une racine supplémentaire. Qu’en fait-on ?
On s’en sert pour améliorer le goût de l’eau. Une racine trempée dans une carafe ou une jarre d’eau la rend plus rafraîchissante. Cet usage est le plus courant. Autrefois, les femmes du Sahel fabriquaient des vanneries avec ces racines. Une fois aspergés d’eau, leurs vases dégageaient des effluves agréables et très appréciées.
On peut en faire de l’encens à brûler, que l’on appelle wusulan ( bambara ; amusante anecdote, le terme wusu désigne aussi la cuisson à la vapeur du riz avant de le cuire à l’eau), thiouraye ( wolof) ou encore dugu.
Un de mes grands plaisirs, depuis que je vis en France, est d’ouvrir un colis envoyé par ma mère et de sentir les odeurs mêlées du kinkéliba fraîchement séché et des racines de vétiver. Senteur familière, verte, aqueuse, joyeuse, fraîche et curieusement enivrante.
L’une des premières huiles essentielles que j’ai acquise est celle de vétiver. Je l’avais acheté aux Folies d’Indigo, il y a bien longtemps et un mélange d’huile essentielle de petit grain et de vétiver me ravissait.
Ayant appris un jour que le vétiver se disait en latin vetiveria zizanoides, qu’elle ne fut ma surprise quand je me rendis compte que ma bouteille comportait les indications « Vétiver, pinus sylvestris »…
J’ai accumulé depuis lors plusieurs produits parfumants à base de vétiver :
- La racine séchée du vetiveria nigritana
- Une teinture de vetiveria nigritana dans de l’alcool à 90°, qui date d’il y a deux ans environ, faite par votre servante
- Une huile essentielle de Vétiver srilankienne, achetée chez Gisella Manske il y a plusieurs années
- Une autre de Paradesa
- Un petit flacon de Norfolk essential oils
- Une de Néroliane, en provenance d’Indonésie
- Une haïtienne, de Proxi santé
- Une autre encore de Bio mada, malgache cette fois-ci
- Plusieurs échantillons de White lotus aromatics.
- Un d’Haïti
- Un de Madagascar
- Un autre du Sri Lanka
Aucune n’est identique à l’autre. Comme si la plupart des composants se retrouvaient chez toutes, mais avec des combinaisons différentes ; tel vainqueur chez celui de Biomada se fait timide ailleurs. Il me reste à tester l’extrait CO²(bientôt arrivé normalement) et le rus khus qui est une distillation traditionnelle indienne à très basse température dans des récipients en cuivre. Je rêve d’avoir accès à une huile essentielle de vetiveria nigritana (dont je ne sais pas si elle est commercialisée).
Je remarque cependant que chez toutes ces huiles essentielles l’aspect lourd et terrien du vétiver domine. Je doute que quelqu’un qui n’aie jamais connu que ces produits de distillation bruns et visqueux imagine la fraîcheur qu’il peut avoir.
Ces échantillons sont selon le producteur puissamment terreux, boisés, fumés et provoquent une ivresse étrange, un éloignement enraciné. J’ai pris l’habitude de laisser les flacons ouverts afin d’accélérer leur vieillissement.
L’extrait sur huile de son de riz ne sent absolument rien. Il faudrait peut être insister, effectuer des macérations successives ou passer par le biais d’une teinture ?
La teinture quant à elle est très odorante, il me semble qu’il faut un fort degré d’alcool et une macération longue pour obtenir un produit satisfaisant. La mienne est double: après la première macération, j'ai réutilisé la teinture pour faire macérer des racines coupées en petits morceaux. Elle garde la fraîcheur de la racine qui est imperceptible (sans dilution) dans l’huile essentielle. Le fond est boisé, très agréable, il y a là dedans une senteur que je ne sais nommer. Boisé et frais ne suffit pas, il ne s’agit pas d’un pin par exemple, c’est plus puissant, l’odeur a un chemin différent, moins montant, plus bas et étalé. Un peu noisette, un peu salé, presque sueur, un peu cireux, étrangement floral, comme un hybride vert entre rose et jasmin... Une amertume discrète, quelque chose qui évoquerait presque la réglisse, une luminosité magnifique. La terre, le soleil, l’eau réunis.